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Atelier d'écriture d'Evy

Je partage avec vous la préface de mon 2ème recueil

Je partage avec vous la préface de mon 2ème recueil
« Rien n’est fini »

 

Dieu fut assez habile pour inventer Ève. Notre monde est assez imaginatif pour avoir créé Évy. Hugo, moins romantique que réaliste, avait conçu un personnage féminin qui tire encore les larmes aujourd’hui. Il ne savait peut-être pas, le père Hugo, que sa petite Cosette continuerait vaille que vaille, au fil du temps et des bouleversements, à ressusciter comme un phénix sans lumière, sans chaleur dans le foyer au-dessus de tous soupçons de Thénardier éclairés à l’électricité, roulant carrosses modernes, mangeant et dormant bien, présentant mieux encore. Évelyne n’est pas Cosette, me direz-vous. Certes, mais comme elle, comme peut-être tout le monde, elle est fille de son enfance.

Évelyne c’est cette Évy, fille d’Alsace, de cette France alsacienne où l’on parle le « Elsässerdish ».

Qu’on me permette un souvenir qui aurait pu faire partie du catalogue d’images d’Évelyne Genique. C’était en 1990 et nous passions quelques jours d’hiver près de Strasbourg, en un village au nom imprononçable — et j’avoue que, malgré nos efforts, nous l’avons quitté sans le prononcer comme il aurait dû l’être, ignorant les subtilités locales des gutturales et des chuintantes. L’atmosphère était très froide en ces jours de décembre mais très chaude dans les têtes ébouillantées par une histoire assez cocasse de… cloches. La paroisse était en guerre ouverte à cause d’un angélus intempestif qu’un voisin du clocher aurait voulu faire taire. En quelque sorte, le choc de deux civilisations apparemment inconciliables : le confort douillet du modernisme contre le vertueux sacrifice de la Tradition. J’ai compris, ce soir-là, lorsqu’en toute bonne foi et sans malveillance nous avons fait le tour de l’église, que nous n’avions aucune chance d’être tout à fait admis. Un groupe d’une dizaine de personnes tenaient conciliabule sur la place en une langue tout à fait inconnue. Après quelques rires ponctuant des blagues incompréhensibles, nous crûmes bons de saluer à la cantonade et de passer notre chemin.

Évelyne ne nous met pas à l’écart de cette tradition alsacienne qu’elle nous présente dans ses détails avec un art d’ethnologue du cru. Sous sa plume, les consonances germaniques fleurent bon le terroir. On aimerait en savoir plus sur ces vocables et patronymes que je me plais à égrener comme un chapelet de grains étranges : Niederbronn, Gumbrechtshoffen, Uhrwiller, Hans Trapp, Grùmbeer, Brunzblïem, Messtag, Kirchweih. Cette enfance-là, celle d’Évy, c’est un peu celle de Hansel et Gretel, les petits héros des frères Grimm, mais c’est surtout celle des petits personnages du très fameux Jean-Jacques Waltz, alias Hansi, pour qui « sa petite ville était belle du temps français », lui qui fait dire par dérision à l’Elsa Knatschke de son roman éponyme :



« Le français que parlent les Alsaciens n'est pas du tout le français correct ; j'ai toujours été première en français à l'école, et je ne comprenais pas un mot de ce qu'ils disaient ».



En ce recueil Évelyne Genique se plaît à démontrer que tout, y compris et surtout la poésie, est ancrée dans cette enfance-là, en cette langue-là :



« Toute petite, j'avais un RÊVE

Je voulais transformer le triste pour le beau, avec les reflets d'une baguette magique... »

Est-ce réussi ? Un peu plus loin suit cette définition du verbe « rêver » qui permet d’apprécier le succès ou l’échec de cette vocation :

 

Rêver, c'est savoir se mentir

Et transfigurer la souffrance en plaisir.

Rêver, c'est pénétrer dans un autre univers

Où l'on ne voit ni la tristesse ni l'enfer.

 

S’agit-il pour autant d’édulcorer en se voilant la face ? Ou bien de passer un coup de pierre philosophale sur la misère ou sur la gêne pour les transformer en or ? Je ne prendrai qu’un seul exemple du contraire. Quand Évelyne Genique, au hasard de la plume — mais peut-on véritablement parler de hasard ? — aborde le délicat problème des liaisons homosexuelles, elle clame sans ambiguïté le droit à la différence :

 


Mais quelle différence ?


Celle qui dérange !


Pourquoi devons-nous nous cacher ?

Pourquoi n'avons-nous pas le droit de nous aimer ?

[…] En quoi est-ce gênant ?

Qui êtes-vous pour juger ?

L’écolière alsacienne a donc bien mûri. Sa poésie n’est pas que célébration et nostalgie de l’heureux temps de l’enfance. Elle se fait arme de révolte, d’une révolte qu’elle croit salutaire et inexpugnable dont les outils sont les mots, des mots « bizarres » écrits par amour ou « contre l’absurde », des mots « magiques » :

Écrire est ma vie ! est ma vie !


Où je confie mes rêves, mes émotions, mes envies.


Mon crayon s'agite !


Les mots naissent, s'empressent


Les mots s'envolent !


Les lettres s'alignent pêle-mêle

Évelyne Genique peut ainsi aisément qualifier son art poétique. Ni passe-temps ni exercice académique ni prouesse prosodique, elle entend donner à sa poésie une fonction humaine, une direction précise :

Je choisis d'écrire,

Une certaine poésie dans les pleurs, les rires, celle d’autrui.

Les mots respirent,

Ces mots qui colorent notre espace vital,

Qui nous transportent dans ces lieux féeriques.

 

La poésie n’est donc pas plaquée sur l’expérience après coup. Elle est elle-même l’expérience :
 

Après... le temps fera son tri…

 Restent les écrits… 

 

Bernard Bonnejean

Laval, le 16 novembre 2014

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Bonnejean

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L
C'est vraiment une superbe préface, son rédacteur t'as visiblement bien cernée. Je suis très contente pour toi, bisous Evy
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E
Merci c'est gentille bisous
C
Un livre de poésie ne se lit pas comme un roman. Il fut prendre son temps pour découvrir le style de l'auteur, la part de rêve et de réalité. J'apprécie sa façon d'écrire ses souvenirs. Je possède toute la collections et je ne suis pas déçu de mes achats. Grâce à elle je vois la poésie sous un autre angle. Merci Evy pour ces découvertes. Daniel
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E
Woua Daniel que c'est gentil j'écris toujours du fond du cœur une bonne soirée à toi bisous
B
Quelle belle préface !!<br /> Tu y es bien résumée...<br /> Bisous ma Evy
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E
Merci douce soirée à toi bisous
R
je te souhaite plein succès merci de nous l'avoir présenté...Même si je ne le lirais pas je préfère de loin les romans...on ne se refait pas. Bisous
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E
Bonsoir Renée une bonne soirée à toi bisous
C
Merci de l'agréable partage, Evy ! J'♥ !<br /> Bon samedi,<br /> Bisous♥
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E
Bonjour Colette ici c'est pluie dans l'aude douce journée à toi bisous